M-RT
Recueil de textes poétiques à paraître prochainement.
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Jeu de pendu sans équivoque : M - R T
Jeu de pendu sans conséquences et sans enjeu
plus facile tu meurs :
M - R T
Alors voilà
on vit sa vie
ou à défaut
une vie
entre deux bouts de silence
entre deux gris de glace
toujours cherchant sa place
à trois impératifs pendu :
Aime
Erre
Tais
Et des trois
quand on fait le point
on ne retient que le dernier.
Taire
c'est ce qu'il faut
taire bien sûr
pour vivre en paix
à l’ombre de la mort.
De la mort on ne parle
ni quand on la redoute
ni quand on la convoite
et pas même quand on la sent venir.
Faux vivre
que cette vie de mort tue.
M - R T
on devrait le porter
à l'intérieur du poignet droit
tatoué
comme à gauche les pointillés
(l'inverse si l'on est gaucher).
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Croisé ce jour au bas de la rue de la Miséricorde
à l’angle qu’elle fait avec la rue de la Chaine
un carter de moto
ouvert en deux.
Le monde entier
ou, pour le dire plus précisément,
la foule déboussolée qui a perdu le nord, qui a gagné le sud
défilait devant
trainant valises et sans le voir.
Un train peut en cacher un autre.
Veillez à ne rien avoir oublié sur le quai.
Croisé ce jour au bas de la rue de la Miséricorde
à l’angle qu’elle fait avec la rue de la Chaine
un carter de moto
posé
à même le sol
sur la fragilité de ses ailettes
dans la poussière ponctuée de crachats
de traces de pattes de chat.
Et je jure que c’est lui :
c’est lui en premier
qui m’a regardé
qui m’a arrêté.
Sous le regard de ce carter ouvert en deux
vidé de ses pistons
une certitude :
un cœur
là
battait irrégulier
le rythme d’un faux vivre.
Tourné depuis de place en place
sans parvenir à retrouver le lieu de Barcelone
où bat arythmique
ce cœur ouvert en deux
asymétrique et qui m'a regardé.
Rue de la Miséricorde et rue de la Chaine
ne se rencontrent pas.
En tout cas pas ici.
J’ai assez rodé pour pouvoir l’affirmer.
Également
qu’un cœur peut en cacher un autre.
Et qu’il faut veillez bien
à ne rien avoir oublié quand on quitte sa place.
Manque un carreau à la façade
reste la trace en creux de la colle qui le fixait
et l’édifice semble ne plus être tenu que par ce balai posé contre.
Manque un barreau à la grille
restent de part et d’autre deux rangées d’hommes noirs qui la repeignent en gris
et qui ne savent plus qui est dehors, qui est dedans.
Manque une pierre au mur d’enceinte
reste un chemin de ronde
et nous qui ne pouvons y voir qu’une invite au faux pas.
Manque un piquet à la clôture
reste un agneau, un seul, à attendre devant
et le grillage qui s’effondre devant l’impatience à se noyer de ses frères.
Manque un clou à la Croix
reste le sang qui passe d’un pied à l’autre
et la faute qui toujours retombe sur l’autre.
Manque une dent à l’engrenage
restent le pilori
et les plans de la maison de verre où se répercuteront nos cris.
Manque une balle au barillet
restent les cinq qui restent
et l’envie de se prendre à ce jeu et de perdre en beauté.
Manque un noir d’ongle
manque un soleil
manque un galet (j’ai recompté)
manque une fleur
manque un étang
manque un grain de pollen
et une perle à ton collier.
Manque une dent à ton sourire
restent mes lèvres pour le cacher
et la puissance surnaturelle de ton soupir chaque fois remixé.
Perpétuelle jouissance
d’être
au monde.
Jouissance inégalée
jouissance inépuisable
d’être au monde des femmes et des hommes.
Des hommes,
des femmes
divers (s)
diverses (sEs)
variés (é.s)
variées (é.E.s)
dévariées (E.s)
avariés (s)
inconscientes et inconsistants
encerclés
(é.s, le é.E.s étant,
dans ce cas-là,
et jusqu'à plus ample informé,
inclus dans le é.s)
encerclés — je disais — de soucis (s)
enceintes et enceints
de cordons de police (s.o.s)
boitant bas (s muet)
boitant bas mais marchant vers la rue des marchands
avec ou sans bouteille
avec ou sans haschich
(h ou m.d.m.a).
Perpétuelle jouissance d’être au monde
au monde des femmes (E.s)
des hommes (E.s)
et de tous les autres (E.s).
Et ce
même si le cocktail du jour, au Betty Ford's, c’est celui de la veille.
Et ce
même si le monde de demain, c’est le monde d’hier
(h.i.e.r).
Au marteau
écraser des raisins
grain à grain
attentif seulement aux giclées de jus rouge
indifférent au craquement des pépins
sous le marteau.
C'est si beau ce rouge jeté au mur qui va vers le violet !
Au couteau
éventrer des sardines
de la tête vers la queue
attentif seulement aux filets de chair rouge
indifférent au crissement des arrêtes
sous le couteau.
C'est si beau ce rouge ouvert en deux qui tire sur le rose !
On est par trop sensibles aux couleurs.
On ne voit jamais que ce que l'on veut voir.
Et en tout cas pas deux choses à la fois.
À part en rêve
peut-être :
dans ces rêves où tous nos sens convergent
vers un point de douleur
ou de flamme
névralgique
situé
derrière
ou
sous
les manifestations :
pépins
arrêtes
ou autres symptômes
quelconques.