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On serait là...

On serait

là...

​

​

Ces trois marelles en triangle,

c'est le bord

de quoi ?

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Et ce point noté XY

vers où l'homme monte à cloche-pied

il marque

quoi ?

un point précis de la mémoire ?

(XY abscisse et ordonnée du souvenir) 

ou un point imprécis sur l'échelle du genre ?

(activation ou inhibition du fameux chromosome Y)

​

On dirait qu'on serait là...

c'est la formule que prononcent les enfants au moment de donner un cadre à leurs aventures, à leur inventions. Sauf que pour ce spectacle, c'est un homme d'âge mûr, seul sur scène, entouré de poésie, d'images et de musique qui énonce la phrase magique avant de se lancer à cloche-pied sur des marelles dessinées au sol. Des marelles qui ne montent pas au Ciel mais vers un un point noté XY, à la craie.

XY : ce sont peut-être les coordonnées précises d'un lieu de la mémoire (abscisse et ordonnée du souvenir).

XY : cela pourrait être aussi un point imprécis sur l'échelle du genre

(activation ou inhibition du fameux chromosome Y).

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Mes écrits ne sont pas faits pour être stockés à plat. Alors périodiquement, je monte un spectacle qui recense et met en gerbe certains de mes textes récents.

Afin qu'ensemble, ils tiennent debout.

Parfois, pour les tenir ensemble et debout, ces poèmes, une histoire court tout au long du spectacle. Et parfois pas. Cette fois, non. Cette fois ce qui les tient, c'est une ambiance musicale

De spectacle en spectacle, une seule chose ne varie pas : c'est ma volonté de venir sur scène pour donner à entendre mes mots. Debout et corps présent.

Ma volonté aussi, du simple fait que tous parlent de moi très intimement, de venir dire à travers eux, où j'en suis. Et puis de venir voir où j'en suis. Le vérifier en le disant.

Cette fois, le spectacle s'intitule On serait là...

Comme pourraient le dire des enfants,

comme pourraient le dire nos fantômes au moment de se rappeler à notre bon souvenir,

comme nous pourrions tous le dire, sans doute, 

noyés que nous sommes dans ce présent troublé.

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Si seulement nous savions où nous en sommes !

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¡ Ay Mon Espagne mythique !

Poésie contemporaine espagnole et catalane

La movida me olvidó.

La movida me dejó plantado.

La movida m’a laissé sur le bord de la route.

Et je ne m’en suis pas remis d’être resté ici à perdre mes cheveux pendant que, de l'autre côté des Pyrénées, un pays entier s’échevelait sans moi.

En 1980, j’avais 18 ans tout pile et le goût bien prononcé déjà pour tout ce qui venait de toi, Ay mon Espagne Mythique !

Oui, j'avais 18 ans, j’avais l’âge requis pour que Madrid me tue.

Mais je ne suis pas parti.

Alors, comment on s'en remet de ne pas avoir été tué en temps et heure : au point le plus haut de la montée de fièvre ?

Eh bien peut-être en s'emplissant de mots, de musiques et d'images : le cinéma espagnol, la chanson espagnole, la littérature espagnole, je m'en suis nourri pendant toutes ces années. Un jour j'ai poussé jusqu'à la poésie, un autre jusqu'au catalan, un autre jusqu'à la traduction... et nous voici.

Moi qui me prends pour un espagnol et ce guitariste qui se prend pour un gitan !

¡Ay! Mon Espagne mythique, c'est l'histoire de ce petit français que je suis qui s'est toujours senti inexplicablement, indéfectiblement relié à la terre d'Espagne. Au point de s'y être construit une généalogie fictive : une généalogie de poètes. Comme des racines qui passeraient les frontières et iraient directement au cœur.

 

Pedro Pechuguiya m'accompagne à la guitare et au chant, tant dans les registres flamencos (rumba, tangos, tientos, siguiriya...), que dans ceux du rock et de la chanson poétique espagnole et catalane (Paco Ibañez, LLuis LLach...). Il a par ailleurs — et avec beaucoup de talent — mis en musique certains des textes des auteurs évoqués.

 

Père, mère, oncles, cousines et cousins, tous les membres de cette famille élective sont évoqués au travers de leurs textes.

Ainsi retrouverons-nous :

Fabio Morábito,

Joan Vinyoli,

José María Parreño,

Chantal Maillard,

Alejandra Pizarnik,

Irene X,

Manuel Forcano.

 

Et l'histoire du petit français fou amoureux de l'Espagne que je suis se déroule comme un fil rouge (ou rouge et jaune et violet) entre les poèmes de ces auteurs dont près de la moitié ne sont pas espagnols mais ont choisi la langue de Cervantès pour entrer en poésie.

Les chansons et les musiques de Pedro viennent apporter un degré supplémentaire d'émotion, toujours en lien avec le thème, toujours avec maestria et à propos. Les textes espagnols et catalans ont tous été traduits par mes soins et sont lus dans l'une et/ou l'autre langue.

Fondu au gris

Je ne suis pas celui que vous croyez.

Je ne suis pas même celui que vous voyez.

Vos yeux sont émoussés, mes pauvres amis !

Du regard

le fil

le tranchant

compte

quand il s'agit de passer au travers des apparences.

Je ne suis pas celui que vous croyez.

Je ne suis pas même celui que vous voyez.

À dessein, je me suis rendu flou

découpé

décalé

et si je me secoue

(vous savez comme on se secoue

quand on a de la route à faire et qu'il fait nuit)

si je me secoue

c'est qu'il fait nuit, mes pauvres amis,

et qu'on en a

de la route à faire.

Andiamo !

Fondu au gris est une performance poétique crée à l'occasion du Printemps des poètes 2015 dont le thème était L'insurrection poétique.

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Fondu au gris, c’est une performance ?

Une performance qui s’inscrirait en faux face à ce que l'on a coutume de nommer performance.

 

C’est politique ?

C’est politique et poétique.

Une façon de prendre la poésie à son propre jeu au moment où elle se prétend insurrectionnelle.

 

C’est ironique, par conséquent.

C’est ironique (mordant même) mais c’est aussi sensible.

Sensible et drôle et touchant.

C’est un chaud/froid, finalement.

J’aime bien jouer avec les robinets de la douche écossaise,

faire varier les intensités, agacer les curseurs.

Ne jamais être où l’on m’attend, mais dire quand même qui je suis.

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Nu

Je t’aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D'une certaine manière — paradoxe exorbitant du langage —, dire je t'aime, c'est faire comme s'il n'y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai, il n'a d'autre référent que sa profération : c'est un performatif.

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(Rolland Barthes, Fragments d'un discours amoureux)

 

Nu est un acte poétique performatif.

Dans la citation de Barthes, remplacez je t’aime par je deviens, et vous aurez une idée approximative de ce qu’est ce projet performatif que j’ai intitulé :

Nu.

​

C’est sur scène que j’affirme ce que je

deviens... et que je deviens

Ce que NU propose,

c’est un retour aux temps premiers de la parole.

Un feu,

au fond d’une caverne,

la horde en cercle autour et au delà,  la peur et la menace, partout, jusqu’au bord de la nuit.

Un homme va se lever.

Il ne réclamera pas le silence, ne demandera pas la parole. Pourtant lorsque sa voix sourd,

elle monte plus haut que le feu et recouvre de sable

les mots et les mastications de toute la tribu.

Cette voix,

répercutée par la paroi où l’homme penché appuie sa tête,  nous propose un voyage, nous suggère une plongée.

Le voyage mène aux rives d’un fleuve, à cet endroit précis où un homme tente de le traverser, ce fleuve qui est toute la vie.

La plongée, nous livre  les visions de cet homme, ses rêves, ses regrets, l’écho répercuté des orages passés...

tout ce qui nous le rend si familier, en somme,

puisque cet homme nu,

c’est nous.

Petit prince au repêchage

Entre l'enfant attendant le verdict de la vie et son destin pensif sur une chaise basse dont la paille dépasse, le trottoir est un bric-à-brac de question dont personne ne voudrait, même si on les lui donnait

même si on livrait avec...

les réponses.

C'est petit, c'est étroit, un corps d'humain debout dans le plein feux des phares.

Cet homme entre deux âges, cet homme entre deux eaux, s'il est entré dans la lumière, c'est qu'il a décidé de devenir enfin lui-même. Et c'est la poésie qui l'a jeté sur scène, à la poursuite du Petit Prince blond qu'il fut, qu'il a toujours été, qu'il veut ressusciter.

Au tempo vif du one-man-show, en même temps qu'il se livre, il se délie, cet homme.

Au fil de son histoire, par moments, l'écran s'allume, la lumière baisse, un dessin surgit. Le ton change et ce qui monte alors, c'est la poésie pure. Et la magie de cet instant tient au fait que cette poésie devient un élément de son discours, comme une confidence de plus.

De tout ce qui entrave à ce qui fait qu'un jour, on décide de se tenir debout, le repêchage du Petit Prince est une initiation qui passe par l'enterrement des regrets, le reniement des racines, l'affirmation d'une identité, la prise de conscience enfin, qu'en dépit de tout le temps que cela peut prendre de devenir soi-même, on n'a pas d'autre choix, une fois que l'on est sorti de l'axe.

Teaser du spectacle (video Hélène Rosset) 

indulgence requise : c'était ma toute première fois

Images Lucie Tena

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