Vidange mes démons est un journal intime.
Ce journal, ce n’est pas à nous que Bélisa l’adresse, c’est à sa grande sœur, à l’absente qui n’a pas de prénom et qui prend tant de place.
Revenir d’abord au point brûlant enfoui, inoubliable : à ce jour d’octobre 1961 où la sœur n’a pas vu le jour. Dire tout ce que cette absence a causé de douleur et de peur. Dire aussi et surtout, tout ce que cette absence n’est pas parvenue à briser. Même entravée par les peurs héritées, même assombrie par le poids des secrets, Bélisa sera forte, debout, durcie, en guerre contre le monde et contre la famille. « Je crache sur l’émotion. Je crache sur les larmes dont vous m’avez nourrie. »
Elle vit seule dans les friches et les lèpres des zones commerciales, dans une caravane, sur un terrain dont elle assure la surveillance avec sa vieille chienne. Les filles ? Elles ne font que passer. Les hommes ? Il y a ceux à qui elle demande ce qu’ils ne peuvent pas donner : la fraternité. Il y a ceux qui la voient comme une cible : elle sait s’en défendre… du moins jusqu’à ce jour.
Mais au moment où l’étau se resserre, où la peur atteint son maximum, Bélisa réalise qu’il lui faut trouver une autre solution que la fuite, qu’il ne sera pas toujours possible, ni vivable, de se soustraire pour survivre.
Ce cahier fait récit à l’absente de toute une vie vécue en usurpant sa place, à défaut d’elle, sans aucun doute moins bien qu’elle.
C’est un chemin de délivrance : tout ce qu’il a fallu et tout ce qu’il faudra de force pour s’en extraire, de ce rôle de remplaçante.
C’est un chemin vers l’écriture. Au fil des pages, en même temps qu’elle se délivre, Bélisa trouve une voix. Sa voix. Le ton de son journal, tour à tour exalté, romantique, désabusé… finit par la mettre devant l’évidence du pouvoir de l’écriture et du style.
Alors peut-être, ayant trouvé un lieu où elle se sentira « …entourée. Oui, c’est cela : je ne me sens plus encerclée, je me sens entourée. », elle accèdera à un semblant de paix, elle n’aura plus peur. Et elle trouvera dans l’écriture le moyen de rendre à sa sœur, la vie qu’elle lui doit. Une existence de papier, fictive évidemment, mais d’autant plus réelle que c’est la vie de tout une génération.
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